jeudi 24 février 2011

Seminar night

Je rêve de trouver un mot français aussi puissant à mes yeux que "Feierabend" pour désigner la fin de la journée de travail, je suis particulièrement nostalgique de cette phrase qu'on se lançait à Leipzig, "Schönen Feierabend!"... Le soir, en arrêtant de travailler, je suis assez souvent contente, de ce que j'ai tenté de faire, des nombreux défis qu'il me reste à essayer de relever et que je m'astreins à lister pour être d'attaque à mon retour, et puis d'être en pause jusqu'au lendemain.  Et heureusement, que je le verbalise ou pas, la fin de la journée au labo est bel et bien le moment de ranger mon bateau de travail et de me consacrer à d'autres découvertes, comme à la Seminar night du college du Français hier.

 
 Le groupe de recherche où je suis en stage y était invité car le Français était l'un des trois orateurs de la soirée. J'ai ainsi pu pénétrer dans cet établissement proche du site de Downing, où je vais parfois déjeuner en compagnie de ce collègue et du rameur au pull marron. 
J'aime bien m'imprégner de l'ambiance très traditionnelle de Cambridge, et là, je n'ai pas été déçue : la salle au sol recouvert de moquette portait des vieux portraits à l'huile, et était meublée de chaises au siège en velours vert passé. Certaines personnes que l'on croise s'amusent à s'assortir aux lieux, portant pantalon en velours, chemise à carreaux et petit pull. Pas tout le monde, d'accord, cependant mes yeux sont vite attirés par ces personnages pittoresques.

J'étais accompagnée de mon encadrant et d'un thésard britannique rameur - quatre sessions par semaine, petit joueur. J'ai eu la confirmation, en découvrant qu'il s'adonnait  lui aussi à l'aviron, que les cinq doctorants du groupe le font... Bref. J'avais la grande responsabilité de les guider jusqu'à la salle que le Français m'avait indiquée le midi, même que je l'ai retrouvée sans problème, youhou. Nous avons pris place sur les chaises qui ont bientôt toutes été occupées, face à un écran de projecteur, et avons sagement fait silence quand les choses sérieuses ont commencé, sans sortir de bloc-notes cependant.


Trois présentations d'une quinzaine de minutes chacune suivie d'une séance de questions du public se sont succédées avec entrain, Monsieur Loyal étant un homme mûr en costume écoutant les orateurs avec assez d'attention pour interroger chacun intelligemment. 

Le premier étudiant était un chimiste travaillant à la frontière avec la biologie et la physique, dans le passionnant domaine de l'imagerie médicale, des tumeurs en particulier. L'objectif de son équipe est de développer des techniques d'observation depuis l'échelle moléculaire afin de bien voir les vilaines cellules cancéreuses via leur activité mitochondriale spécifique, et ce afin de permettre de suivre l'efficacité des traitements, histoire de ne pas faire subir de la chimio pour rien à certains patients. Chouette !

Le second étudiant était un littéraire sans diaporama électronique, au discours dont la structure implicite et obscure m'a bel et bien échappé. Le thème était "Nature et obligation dans l'école de Salamanque", ça se rapportait à l'organisation familiale et politique et à Aristote. J'ai vite perdu le fil, je crois que grosso modo, il s'agit d'étudier les fondations de l'Etat moderne. J'avoue que je ne regrette même pas de ne pas accrocher à ce discours d'expert, je suis juste heureuse de voir ce qui peut se faire dans la discipline de la philo politique afin d'hocher la tête de loin et de dire "Oh, c'est donc cela, votre domaine, que c'est intéressant." avec sincérité et blonditude absolue.

Le troisième orateur, le Français, nous a présenté avec enthousiaste les travaux qu'il avait mené en Suisse sur les réseaux sexuels. Souvent, en épidémio, on considère que si monsieur A a cinq fois plus de partenaires que monsieur B, hé bien il a cinq fois plus de rapports, ce qui ne s'accorde pas aux données. L'idée du projet était de complexifier la représentation du réseau afin de tenir compte de cela via notamment une variable individuelle nommée libido.  Et là, pouf, la théorie se réconcilie avec les données. Puissant !

Après ces aperçus intéressants de recherche actuelle, nous avons tous été conviés à un dîner offert par la maison. Le niveau de cette nourriture gratuite atteignait celui de cette autre expérience de pique-assiette. En dégustant des légumes, un verre (unique) de vin blanc accroché à l'assiette par un ingénieux bidule en plastique, j'ai pu bavarder avec le doctorant britannique que je connais peu car il ne parle pas beaucoup. Honnêtement, j'avais presque peur de le bousculer avec mon flot de paroles, mais il n'est pas ours du tout, finalement. Je crois qu'avoir la langue bien pendue me donne l'air d'une pile électrique parfois déréglée, mais après tout, je peux en faire un atout... avec un peu de retenue.

Ensuite, cette fois en attaquant à la cuillère un délicieux cheesecake au citron, j'ai discuté avec des Français, dont un Oulmite, avant de rentrer chez moi, toute joyeuse de faire partie de ce monde académique où l'on ne s'ennuie pas.

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